Rencontre avec les membres du Women Ambassadors Network (WAN) - Discours 18 avril 2023

DISCOURS DE MADAME ELIANE Tillieux,

Présidente de la chambre des représentants

À L’OCCASION DE LA RENCONTRE AVEC LE WOMEN AMBASSADORS NETWORK (WAN)

 Mardi 18 avril 2023

 Mesdames les Ambassadrices,

Je vous souhaite la bienvenue à la Chambre des représentants et tiens à vous faire part de ma fierté et mon plaisir de vous accueillir aujourd’hui.

Nous avons toutes en commun le fait que d’exercer des fonctions à hautes responsabilités. Une fonction de représentation de notre pays ou de nos institutions, de direction, de négociation où souvent nous sommes amenés à trouver des compromis.

Un autre point commun, et non des moindres, est le fait que nous exerçons des fonctions réservées traditionnellement aux hommes.

En Belgique, depuis la création du pays en 1830, ce sont 51 hommes qui se sont succédés à la présidence de la Chambre des représentants. Il fallait bien que la 52^e soit une femme ! J’assume donc la fonction de présidente depuis octobre 2020.

Si des progrès ont été réalisés en termes d’égalité des genres, il y a clairement encore du chemin à parcourir. Dès le début de mon mandat, j’ai placé l’égalité entre les hommes et les femmes au plus haut rang des priorités. Je me suis intéressée notamment à la représentation des femmes et des hommes au sein du Parlement fédéral.

En 2021, avec ma collègue Présidente du Sénat, Stephanie D’Hose, nous avons lancé un audit afin de mesurer la sensibilité au genre du Parlement fédéral. Un groupe de travail, composé de membres du personnel, a dressé un état des lieux et déterminé dans quelle mesure l’égalité entre les hommes et les femmes est atteinte à tous les niveaux.

Le constat général est que la question du genre à la Chambre et au Sénat manque d’attention et de prise en compte et d’une vue de manière globale. La situation ne peut cependant être qualifiée de mauvaise, mais elle doit absolument évoluer. Le développement d’une vision stratégique et d’un plan d’action de gender mainstreaming au sein de la Chambre est dès lors une nécessité. 

Ainsi, récemment, le 15 février 2023, le Bureau de la Chambre des représentants a approuvé une note d’orientation visant à faire du Parlement fédéral un parlement plus sensible au genre d’ici 2030. Il a également validé la désignation d’un référent ou une référente genre au sein de l’administration pour mettre en œuvre le plan d’actions.

En janvier 2023, au niveau mondial, les femmes ne représentaient en moyenne que 26 % des parlementaires dans l’ensemble des pays. Pour améliorer cela, il est primordial de lutter contre les stéréotypes sexistes, d’agir comme modèle et aider les femmes à briser le plafond de verre.

L’absence de représentation des femmes dans les organes décisionnels n’est en effet pas sans conséquences. En situation de conflit armé notamment, les discriminations préexistantes à l’égard des femmes sont exacerbées et la violence à leur égard est aggravée.

Bien qu’étant touchées de manière disproportionnée par les conflits, les femmes sont souvent exclues des négociations des processus de paix et des travaux de reconstruction après-guerre. Selon les Nations Unies, entre 1992 et 2019 seulement 13 % des négociateurs, 6 % des médiateurs et 6 % des signataires dans les principaux processus de paix du monde entier étaient des femmes. Les recherches soulignent qu’en raison de ce manque de représentation, les intérêts et les besoins des femmes sont peu pris en compte durant les négociations des processus de paix. Ceci est d’autant plus regrettable lorsque des études montrent que l’inclusion des femmes dans les processus de la paix aboutit souvent à une paix plus durable. Je suis convaincue que la représentation des femmes aux différents niveaux de prise de décision constitue une garantie de protection de leurs intérêts et de leurs droits.

En évoquant ceci, je ne peux que me remémorer les familles rencontrées en avril 2022 lors de la visite d’un poste frontière et de deux centres d'accueil pour les réfugiés ukrainiens situés près de la frontière ukrainienne en Pologne. Là, j’ai pu constater l'exil de nombreuses familles ukrainiennes, principalement des femmes et des enfants, qui séjournent dans des camps en attendant d'aller dans un autre pays ou de rentrer chez elles. Une situation inacceptable, douloureuse et angoissante.

Lorsqu’on parle de la situation des femmes en temps de guerre, la question des violences sexuelles ne peut être omise. À ce sujet, la rencontre avec le Docteur Mukwege, colauréat du Prix Nobel de la Paix, le 18 octobre 2022 ici à la Chambre, a été bouleversante et a encore une fois confirmé mon engagement à lutter contre les violences faites aux femmes. Vous connaissez toutes le travail admirable qu’il accomplit depuis plus de 25 ans en guérissant des femmes victimes de la guerre en République démocratique du Congo.

L’année passée, j’ai adressé une lettre à tous les Présidents des parlements des Etats membres de l’UE et à la Présidente du Parlement européen les invitant à signer et ratifier la Convention d’Istanbul sur la violence à l’égard des femmes. Cette convention est un instrument fondamental ayant pour objectif d’assurer la protection des femmes contre les violences en temps de paix et en temps de guerre et par lequel les Etats reconnaissent que la réalisation en droit et en fait de l’égalité entre les femmes et les hommes est un élément clé dans la prévention de la violence à l’égard des femmes.

La diplomatie n’est pas non plus un milieu dans lequel nous retrouvons généralement beaucoup de femmes. Les dernières statistiques ont montré que la Belgique comptait uniquement 12,5% de femmes ambassadrices. En 2022, au niveau des 40 pays les plus riches, seulement 21,6% des ambassadeurs étaient des femmes. Si ce chiffre est en hausse par rapport à 2021, il n’est pas moins interpellant et de nature à soulever certaines questions. Pourquoi retrouve-t-on peu de femmes dans la diplomatie ? Que faut-il faire pour que ce constat change ? La rencontre d’aujourd’hui pourra certainement apporter certains éléments de réponse. Étant les premières concernées, je serai ravie d’entendre votre point de vue à ce sujet.

Fort heureusement, des progrès en matière des droits des femmes existent également. L’Union européenne a adopté la directive relative à la présence des femmes dans les conseils d’administration des sociétés cotées et il existe des instruments juridiques spécialisés dans la protection des droits des femmes, tels que la Convention d’Istanbul. Plus récemment, les réseaux sociaux se sont avérés un outil de libération de la parole concernant les abus subis par les femmes. Enfin, l’organisation des panels de rencontre réunissant les femmes tels que le Sommet des présidentes de parlement organisé par l’UIP auquel j’ai pu participer l’année dernière à Tachkent ou le Women Ambassadors Network constituent également des occasions uniques qui permettent aux femmes confrontées aux mêmes défis de se rencontrer, de discuter de leurs parcours et de débattre.

Mesdames les Ambassadrices, bienvenue à la Chambre des représentants de Belgique ! Je suis certaine que notre rencontre aujourd’hui sera enrichissante pour chacune d’entre nous. Je vous remercie pour votre contribution à améliorer le modèle de société pour un équilibre meilleur dans les rôles et les fonctions entre les femmes et les hommes. Vous êtes en quelque sorte des modèles pour les futures générations.