Remembrance Sunday à Belgrade 13 novembre 2022
Monsieur le Général,
Mesdames, Messieurs, en vos titres et qualités,
Jamais sans doute en ces temps où l’ordre mondial se voit à nouveau secoué par de multiples conflits, ne s’est autant trouvé la nécessité de connaître l’histoire, de rendre hommage aux combattants de la liberté, et de trouver en nous la force de poursuivre, ensemble, cette lutte vitale pour la paix et la démocratie, pour le futur de l’humanité.
Certes, nous pourrions nous décourager à la vue des soubresauts et velléités guerrières qui frappent et tuent, à quelques centaines de kilomètres à peine de notre paisible cité…
Certes, nous pourrions estimer que ces rappels de morts anciennes d’hommes, de femmes, d’enfants, ne servent guère l’humanité, oublieuse de ses atrocités, et commise semble-t-il à reproduire ces catastrophes…
Et pourtant, je trouve au contraire, en volontariste de l’action publique que je suis et serai toujours, qu’il faut continuer, continuer le combat, retrousser ses manches, éduquer les générations – l’éducation, l’enseignement, c’est l’investissement majeur sur la connaissance de soi et du monde.
Oui, il faut au contraire sans cesse commémorer et rappeler, il faut encourager les peuples et la classe politique à résoudre les questions de territoire, de ressources, de développement, sur fond d’une autre crise encore plus menaçante, celle qui affecte le futur climatique , posant la question même de la survie de l’humanité.
Nous ne manquons pas de courage et de conscience. Les jeunes qui défilent pour le climat rejoignent nos préoccupations de mémoire, il s’agit encore et toujours de montrer les liens entre démocratie, paix, solidarité et développement …
C’est pourquoi je suis heureuse d’être parmi vous ce dimanche.
Posons-nous ainsi la question de savoir pourquoi commérer le Remembrance Sunday , et plus particulièrement à Namur ? Plusieurs raisons.
Historique d’abord. Henri Bernard, grand résistant, professeur à l’Ecole Royale Militaire, écrivait que l’Angleterre puis le Royaume-Uni était le seul de nos grands voisins qui ne nous avait jamais attaqué ou occupé au fil de siècles. Avant notre indépendance, les actions militaires en Belgique étaient en appui à la puissance à laquelle nous appartenions à l’époque et, en 1914 le Royaume-Uni est intervenu pour garantir la neutralité de la Belgique, tout comme il interviendra en 1940. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas eu des tensions, des frictions, des dommages et des victimes civiles du fait de ces actions militaires – pensons aux bombardements aériens, notamment en octobre et novembre 1918 - mais il me semble important de rappeler cette particularité historique, de même que le lien fondateur entre nos deux pays établis par Léopold Ier.
Par ailleurs, la « Belgian Cenotaph Parade », instituée à la suite du décès du Roi Albert et qui a lieu chaque année en juillet, est un autre lien particulier : la Belgique est le seul État hors Commonwealth autorisé à faire défiler des soldats en armes au cœur de la capitale britannique.
Reconnaissance ensuite, et ce à un double titre.
Pour celles et ceux d’entre vous qui ont servi à l’étranger, en soutien d’un pays allié, si vous aviez trouvé la mort lors de ce déploiement et étiez enterré sur place, ne pensez-vous pas que vos proches auraient trouvé un réconfort – certes faible eu égard à la perte d’un être cher – à savoir que celles et ceux que vous défendiez – et leurs descendants - n’ont pas
oublié votre sacrifice ?
Il y a aussi des Belges qui reposent en Angleterre. Pour ne prendre qu’un exemple, je pense au soldat Vital Sterckx, du 13e de Ligne, qui repose au cimetière de Westerham. Le Major Général Ewan Carmichael veille à ce que, chaque année, sa tombe soit fleurie. Il a également obtenu qu’un autre soldat belge, qui repose dans ce même cimetière, reçoive une pierre mortuaire adéquate. Notre présence aujourd’hui est aussi l’expression de nos remerciements aux Britanniques qui honorent nos morts qui reposent outre-Manche.
Pour des raisons plus namuroises enfin.
De la bataille de Gembloux de 1578 – où déjà des Ecossais et des Anglais étaient à nos côtés pour défendre nos libertés - à celle de 1940 – au cours de laquelle le 82th Squadron de la RAF a été anéanti -, du siège de Namur de 1695 aux deux guerres mondiales, il y a des liens forts quoiqu’hélas trop peu connus, qui se sont tissés entre nos pays. De plus,
de novembre 1918 à octobre 1919, Namur et sa région accueillirent des troupes de l’ensemble de l’Empire britannique, dont le QG de la 4e Armée et de nombreuses formations médicales. Ce furent, pour ces soldats, les premiers moments de paix après des mois ou des années de guerre.
Hélas, nombre d’entre eux allaient encore trouver la mort, ici même, à Namur, des suites de leurs blessures, des mauvais traitements en captivité ou de la grippe espagnole.
Enfin, pour conclure, rappelons la constitution en Grande-Bretagne il y a (+/-) 80 ans des unités namuroises (2e Bataillon de Commandos de Flawinne et 350th Squadron de Florennes) et évoquons le centenaire de la dissolution des régiments irlandais (dont le 18th "The Namurs"), dont plusieurs soldats reposent ici même, à Belgrade.
Bref, vous le voyez, chers amis, de nombreux liens qui font sens unissent nos populations, dans cette défense de la paix et de la démocratie.
Puissent nos voix s’unir ainsi à toutes celles qui aujourd’hui de partout la réclament, de l’Iran à l’Ukraine, et faire taire la violence et la guerre !
Merci chaleureusement de votre présence et de vos actions dans ce combat !
Eliane TIILIEUX