La représentation des femmes dans la politique 9 juin 2023
A l'occasion du Sommet Women Political Leaders 2023, le plus grand rassemblement de femmes politiques au monde qui célèbre ses 10 ans avec le thème "Representation matters", j'ai partagé les mesures pour améliorer la représentation des femmes en politique :
Chères collègues,
Remontons un petit peu dans le temps, il y a 25 ans, en 1998. Savez-vous quel était le pourcentage mondial de femmes dans les parlements ? 11,8%. La représentation politique des femmes dans le monde a doublé ces 25 dernières années pour atteindre les 26,5%. C’est exact, on ne compte qu’environ une femme sur quatre parmi les parlementaires aujourd’hui. Autrement dit, plus de trois quarts des sièges sont occupés par des hommes. Or la participation équitable et le leadership des femmes dans la vie politique et publique sont essentiels pour atteindre les Objectifs de développement durable d’ici 2030. Et pourtant, les données indiquent que les femmes sont toujours sous-représentées à tous les niveaux de pouvoir à travers le monde, et que la parité entre les sexes est encore loin d’être atteinte dans la vie politique.
Face à ce constat persistant et connu de toutes et tous, des mesures ont été prises pour améliorer la représentation des femmes en politique et, plus largement, pour qu’eIIes bénéficient d’une meilleure inclusion dans la société.
Au niveau du cadre juridique, la Belgique a par exemple pris des dispositions Iégales pour inclure plus de femmes dans le paysage politique : en 1994 avec la loi interdisant aux partis politiques de composer des listes électorales sur lesquelles figurent plus de deux tiers de membres du même sexe ou en 2002 avec la modification de la Constitution belge stipulant que les femmes et les hommes sont égaux et que l'égalité d’accès aux mandats politiques est garantie. Tous les organes exécutifs (gouvernements, collèges des échevins, etc.) doivent à tout le moins être mixtes. Par ailleurs, la Iégislation électorale a été modifiée pour imposer une représentation équilibrée : les listes doivent comporter autant d’hommes que de femmes et les deux premiers candidats ne peuvent pas être du même sexe ; pour certaines entités fédérées, le principe de l’alternance est déjà appliqué pour l’intégralité des listes. Mais malgré ces règles, à peine 38 % des conseillers communaux sont des femmes. Les principaux obstacles à l’engagement politique des femmes restent le sexisme en politique, l’invisibilité des mandats et la combinaison entre vie professionnelle et vie familiale.
Les partis politiques ont très clairement un rôle à jouer : c’est à travers eux que se concrétise la représentation démocratique des citoyens. Or en Belgique, la plupart des partis politiques sont dotes d’organisations ou de réseaux de femmes, formels ou non. Certaines initiatives comparables ne sont pas liées à un parti déterminé : je pense au Nederlandstalige Vrouwenraad ou au Conseil des femmes francophones de Belgique. Le rôle de ces associations féminines peut être comparé à celui d’un catalyseur : déclencher des réactions en renforşant la prise de conscience, provoquer des changements de mentalité et informer. Néanmoins, je reste d’avis que les partis politiques doivent investir encore plus dans la formation, les programmes de management et d’autres formes de mentorat.
Le monde politique peut influer sur la représentation. Un exemple parlant touche une des plus hautes instances de notre pays. L’article 31 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle prévoit qu’eIIe doit être composée de 12 juges 6 juges issus du monde académique et 6 anciens membres d’un parlement. Aujourd’hui, 5 de ces 12 juges sont des femmes, dont 4 qui ont la qualité d’anciens membres de parlements, désignées en alternance par la Chambre des représentants et le Sénat. De quoi démontrer que les partis politiques ceuvrent déjà en faveur d’une réelle parité au sein des institutions.
Pour améliorer le quotidien des femmes, le gouvernement fédéral, qui est d’ailleurs pour la première fois de ”l’histoire paritaire, et la Chambre des représentants ont adoptés de nombreuses initiatives et je voudrais évoquer deux d'entre elles. La première concerne une question de santé spécifique des femmes, la résolution portant sur l’endométriose. Les membres de la commission de la Santé et de I’EgaIité des chances ont organisé des d’auditions sur le sujet et ont abouti à un texte demandant au gouvernement fédéral d’engager une concertation avec les ministres compétents à ce sujet sur l’opportunité et la nécessité d’élaborer un plan d’action national de lutte contre l’endométriose.
Autre exemple : la lutte contre le féminicide. L’an dernier, 24 femmes sont mortes en Belgique pour le simple fait d’être une femme. En 2020, vous le savez peut-être, une élue de chez nous en a été victime, la bourgmestre d’Alost. Un projet de Ioi-cadre portant sur les féminicides a été déposé par le gouvernement fédéral et sera bientôt discuté en commission de la Santé. L’objectif est de dresser un bilan de la situation et de mandater l’institut pour l’égalité entre les hommes et les femmes pour la récolte de données et avancer sur la question. Depuis le début de cette Iégislature, nous avons adopté des mesures fortes pour garantir la protection des femmes victimes de violences. Par exemple, le budget dédié aux services ambulatoires spécialisés dans la prise en charge des victimes de violences a triplé, 100 places d’accueil pour les victimes de violences conjugales ont été créées et un renforcement de la Iigne d’écoute pour les violences conjugales a été réalisé.
Je me permets de vous rappeler également que la Belgique a ratifié la Convention des Organisation des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW). La Belgique s’est ainsi engagée à éliminer toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, en adoptant des mesures pour le respect, la protection et la mise en œuvre de tous les droits contenus dans la Convention au niveau national. Elle devra présenter un rapport auprès d’un comité d’experts qui vérifiera si les droits prévus dans la convention sont respectés et s’ils sont mis en œuvre. Ada Chambre, le Comité d’avis pour l’Émancipation sociale a d’ailleurs organisé une séance de débriefing avec la délégation belge qui a présenté ce rapport. Le 8 mars 2022, journée internationale des droits des femmes, la Présidente du Sénat, Stéphanie D’Hose et moi-même avons appelé l’Union européenne en tant qu’entité juridique à ratifier la Convention d’lstanbul. C’est d’ailleurs chose faite depuis le 1er juin 2023 et je tiens à saluer cette adhésion.
Nos institutions se veulent volontaires. Le 8 mars dernier, nous avons présenté les résultats d’un audit que Stéphanie D’Hose et moi-même avons lancé via un groupe de travail interne, sur la question de l’égalité des genres au sein du Parlement fédéral. L’idée était de déterminer dans quelle mesure l’égalité entre les hommes et les femmes est atteinte à tous les niveaux de notre organisation : au niveau politique, mais aussi au niveau de son organisation interne. Notre ambition est de faire du Parlement fédéral de Belgique l’un des parlements d’Europe les plus sensibles à la dimension de genre d’ici 2030.
Les conclusions et recommandations tracent la voie d’actions concrètes pour améliorer la situation et faire avancer la représentation des femmes en politique. Il faut oser avancer et pousser des portes fermées jusqu’ici. La semaine dernière, le bureau de la Chambre a ainsi décidé de favoriser l’égalité des genres au sein de son administration en modifiant le statut du personnel et en choisissant pour chaque nouveau poste dans ses services, à compétence égale, le candidat ou la candidate du genre le moins représenté.
Permettez-moi d’insister également sur une mesure en particulier, celle de l’empowerment. Ce concept n’est pas neuf et trouve ses racines dans les mouvements afro-américains. Dès 1985, tes mouvements de femmes en Amérique latine et dans les Caraïbes revendiquaient déjà la notion d’empowerment. Il s’agit d’une part d’une véritable « prise de pouvoir », qui passe par le renforcement de l’estime de soi, de la confiance en soi et de la capacité de choisir des orientations dans sa vie. D’autre part, il est question de notre pouvoir collectif à changer les rapports de genre dans les sphères économique, politique, juridique et socioculturelle. La conférence de Pékin a adopté ce concept d’empowerment en 1995, en le présentant comme une stratégie clé de développement.
Les politiques d’empowerment peuvent se décliner de différentes façons, à travers l’éducation à la citoyenneté, le soutien aux associations ou le fait d’encourager les femmes, et surtout les jeunes filles, à participer a des actions et a soutenir l’entrepreneuriat. Cette derniere piste était reprise dans la Stratégie Europe 2020 et le comité d’avis pour l’émancipation sociale de la Chambre des représentants a d’ailleurs adopté une résolution sur le même sujet. Celle-ci prévoit notamment de promouvoir l’entrepreneuriat sur mesure auprès des femmes et, à cet égard, de déconstruire et combattre activement tous les clichés liés au genre, tant dans la vie sociale que dans le monde de l’entreprise.
Ces politiques devraient permettre aux femmes de prendre conscience de Ieurs talents, de s’affranchir et de développer de nouvelles aptitudes. Car prendre confiance en soi et en son potentiel est la première étape avant de passer à l’action, de s’engager politiquement et de devenir un modèle pour les autres.
Mesdames, Messieurs, Chères collègues,
La représentation égalitaire commence à se faire entendre mais a encore beaucqup de chemin à parcourir. Ce discours a malheureusement trop souvent été répété. A nous maintenant d’agir pour que toutes les femmes dans le monde prennent conscience de leur potentiel et s'engagent, à leur manière, en faveur de l’égalité.
Je clôturerai en citant Stendhal : « L’admission des femmes à l’égalité parfaite serait la marque la plus sûre de la civilisation, et elle doublerait les forces intellectuelles du genre humain ».
Chères collègues, transformons cette conditionnalité en réalisation et portons, ensemble, le projet d’une société émancipatrice, plus respectueuse et inclusive !