Discours de Paul Magnette au Congrès de lancement de campagne 18 février 2024
Ce 18 février, notre président du Parti Socialiste, Paul Magnette, s'est exprimé lors du Congrès de Lancement de Campagne. (Re)découvrez son discours :
Il y a cinq ans, vous m’avez élu comme votre Président et c’est une fierté, un honneur que j’éprouve tous les jours. J’ai adhéré au Parti socialiste il y a un peu plus de trente ans, quand j’étais étudiant. C’était en quelque sorte l’aboutissement d’un engagement qui remontait à l’enfance.
J’ai eu la chance d’avoir des parents qui avaient des valeurs et des convictions puissantes, et qui étaient très engagés dans leur vie professionnelle comme dans la société civile. Mon père venait de la région de Liège, ma mère de Tournai, et ils s’étaient installés à Charleroi dans les quartiers populaires à Roux, à Marchienne, à Jumet pour être au plus près des luttes ouvrières, et pour se mettre au service des hommes et des femmes qui souffraient en silence.
Toute sa vie, mon père a soigné des mineurs, malades de la silicose, qui crachaient leurs poumons. Il les a vus partir les uns après les autres, et c’est le scandale de voir mourir avant l’heure des hommes qui avaient tout donné, qui a forgé ses convictions, sa volonté de se battre sans cesse contre les injustices.
Ma mère défendait les droits de ceux que la société avait oubliés, ceux que l’on faisait taire et qui ne comptaient pas, des ouvriers brutalement licenciés, des locataires mis à la porte, des étudiants, des femmes battues, des détenus. Aujourd’hui encore, elle donne son temps à tous ceux qui en ont besoin.
Mes parents nous ont emmenés, mes frères et sœur et moi, dans toutes les manifestations, contre les missiles, contre l’apartheid, contre le racisme, pour la défense du peuple palestinien. Ils nous ont appris à chanter l’Internationale et le chiffon rouge. Ils nous ont raconté l’histoire des luttes ouvrières, des mouvements pacifistes et féministes.
Mon engagement, je le leur dois. C’est leur générosité qui m’a donné l’envie de me battre à mon tour. Chacun arrive au socialisme par des voies qui lui sont propres. J’ai découvert le militantisme à quinze ans. L’extrême droite venait de faire une première percée en France. Le racisme surgissait partout dans la société. Je trouvais insupportable que mes camarades d’école soudain aient peur. Peur d’être brimés, insultés, méprisés. Agressés même à cause de leur couleur de peau, de leur origine ou de leurs convictions. Avec d’autres copains de mon âge, venus de tous les milieux, de tous les quartiers, nous avons fait signer des pétitions pour des écoles sans racisme. Nous avons vendu des badges « Touche pas à mon pote », la petite main qu’on portait fièrement sur nos blousons, à l’endroit du cœur.
Cinq ans plus tard, l’extrême-droite a fait sa première percée en Flandre, et j’ai rencontré d’autres étudiants qui, comme moi, étaient atterrés mais qui refusaient de se résigner. Avec eux, j’ai découvert la joie de mener des luttes collectives, et je me suis formé des amitiés qui durent toujours. Ils étaient de Bruxelles, de Liège et de Charleroi. Mais surtout, ils étaient socialistes. Et c’est comme ça, le plus naturellement du monde, qu’à mon tour je suis devenu socialiste.
Tout d’un coup, je n’étais plus seul, tout d’un coup je comprenais que l’indignation, la rébellion contre l’état du monde, le fol espoir de le changer, de le rendre plus beau, plus juste, l’envie de me jeter dans la bataille avec toutes mes forces, tout cela des milliers d’autres le partageaient.
Alors j’ai adhéré au Parti socialiste, j’ai payé mes timbres, j’ai reçu mon premier carnet, je l’ai toujours, je le garde précieusement au fond d’un tiroir.
J’ai compris que mes craintes et mes espoirs, mes colères, mon impatience avaient un sens. J’ai compris que tout cela s’inscrivait dans une histoire et dans un horizon.
Avec eux, j’ai compris que le monde dont je rêvais, celui dont vous rêvez tous, un monde où personne n’est jugé en fonction de ses origines, de sa couleur de peau ou de ses convictions ; un monde où tout enfant d’où qu’il vienne peut réaliser ses rêves ; un monde où les femmes et les hommes ont les mêmes droits ; un monde où les humains vivent en paix et en harmonie avec la nature ; j’ai compris que ce monde-là, des millions de femmes et d’hommes en avaient rêvé avant moi, et s’étaient battus pour le faire advenir. J’ai compris, surtout, que le monde dont je rêvais avait un nom : il s’appelait le socialisme.
Parce que dans le fond, c’est ça le socialisme. C’est une philosophie de la vie qui parle à ce qu’il y a de plus beau en nous. Il y a des gens qui pensent que la politique consiste à dresser les hommes les uns contre les autres. En fait la majeure partie des gens pensent que la politique c’est ça : diviser, opposer, attiser la jalousie et le mépris.
Et oui, ils sont partout les marchands de haine, aujourd’hui plus que jamais, qui disent aux hommes « votre malheur c’est la faute des femmes » ; aux blancs « votre malheur c’est la faute des noirs » ; aux jeunes « votre malheur c’est la faute des vieux » ; aux travailleurs qui ont un emploi « votre problème vient de ceux qui n’en ont pas » ; aux gens en bonne santé « votre problème ce sont les malades et les invalides ».
Ils sont partout ces marchands de haine qui font commerce des souffrances du monde, qui divisent pour mieux régner, qui soufflent sur les braises du mépris et de la haine. Ils sont dans les partis de droite. Ils sont dans les mouvements nationalistes. Ils sont dans les cercles réactionnaires et les partis d’extrême-droite. Ils colonisent les réseaux sociaux et les nouveaux médias.
Mais, mais ils n’ont pas encore gagné. Et ils ne vont pas gagner, parce que c’est nous qui allons gagner.
Oui nous allons gagner, parce que nous parlons à ce qu’il y a de plus beau dans l’âme humaine, et qu’à la fin c’est toujours la beauté qui gagne. C’est facile de parler à la haine, au mépris, à la peur. Mais ça ne conduit nulle part. Réduire l’humanité à ces passions tristes, c’est ne pas la comprendre. Il suffit de se rappeler la pandémie, les inondations, et l’immense élan de solidarité qui s’est formé spontanément. Il suffit de se remémorer les tremblements de terre au Maroc, en Syrie et en Turquie, et la grande vague de mobilisations qui s’est formée pour soutenir les victimes.
Nous souffrons avec tous ceux qui souffrent, et quelque chose en nous nous porte à leur venir en aide. C’est à cette part-là de l’âme humaine que nous parlons, nous les socialistes. Nous parlons au sens de la justice, nous parlons au désir de liberté, nous parlons à l’instinct de solidarité qui vibre en nous. Et ce sont des sentiments universels.
Nous vivons en nous la souffrance des autres, mais aussi leurs espérances.
Quand j’étais enfant, une petite fille de mon quartier, à Roux, est venue me trouver, un beau matin, et m’a dit « Moi, quand je serai grande, je veux devenir docteur ». Elle s’appelait Ayse, elle avait la peau mate et des grands yeux noirs, toujours un sourire aux lèvres. Son père avait quitté le soleil d’Anatolie une quinzaine d’années plus tôt pour venir travailler au fond des mines, à Farciennes. Sa mère l’avait rejoint quelques années plus tard. Et elle était née de cet amour, à Charleroi. Elle m’avait frappé par son assurance et sa confiance en l’avenir. Et puis, comme souvent dans la vie, nous nous sommes perdus de vue.
Trente ans plus tard, j’ai reçu un message qui disait en substance « Salut Paul, je ne sais si tu te souviens de moi, je m’appelle Ayse, on était à l’école ensemble à Roux, à l’école communale de la Bassée. Je vois que tu fais maintenant de la politique, c’est formidable. Moi, je suis devenue médecin, j’habite à Bruxelles avec mon mari et nos deux petites filles. Je n’ai pas oublié Charleroi. Je voulais juste te dire que je sais que si j’ai pu réaliser mes rêves d’enfant c’est en grande partie grâce à vous, les socialistes.
Je n’y serais pas arrivée sans l’école, ces enseignants formidables qui m’ont donné confiance en moi.
Je n’y serais pas arrivée sans les libertés syndicales qui ont permis à mon père de défendre ses droits.
Je n’y serais pas arrivée sans les services publics qui nous ont permis d’être logés dignement, de faire du sport, d’aller à la bibliothèque.
Je n’y serais pas arrivée sans la sécurité sociale qui a permis à ma mère de se soigner quand elle était malade.
Je n’y serais pas arrivée sans l’exemple des milliers d’autres hommes et femmes qui ont un jour pu réaliser leur rêve grâce à tout ce que vous, les socialistes, avez construit au fil des générations. »
Je suis sûr que vous toutes et tous, ici ce matin, vous pourriez raconter à peu près la même histoire. Et c’est ça la grande leçon du socialisme, rien ne commence sans un instinct qui vit en nous, qui nous fait nous dresser contre l’injustice. Rien ne dure sans la solidarité et les institutions qui l’organisent à l’échelle des villes et des communes, à l’échelle des régions et du pays.
Si nous sommes l’un des pays les plus prospères du monde, si nous avons l’un des systèmes de protection sociale les plus développés du monde, si nos soins de santé sont reconnus comme les plus efficaces et les plus justes du monde, si nous sommes une terre de libertés, souvent pionnière dans les combats éthiques, nous le devons en grande partie aux hommes et aux femmes qui, génération après génération, ont porté haut la flamme du socialisme.
Et si nous sommes si attachés à notre pays, à ses régions et à sa sécurité sociale, si nous nous battons corps et âmes contre tous ceux qui veulent démanteler la Belgique, c’est parce que la solidarité entre tous les Belges, c’est nous qui l’avons construite, et que nous en connaissons le prix mieux que personne.
Alors nous allons le répéter, et le répéter sans cesse, en cette année d’élections. Avec nos camarades du Nord, nos amis socialistes flamands de Vooruit, nous allons défendre, bec et ongle, ce que nos prédécesseurs ont bâti. Nous allons opposer un front uni et déterminé à tous ceux qui voudraient mettre en cause la solidarité fédérale et les services publics.
Ils sont là, tapis dans l’ombre, à attendre leur heure, les nationalistes et les conservateurs. Ils rêvent de nous chasser du pouvoir, de reformer une alliance pour défaire le monde que nous avons bâti. Mais nous ne les laisserons pas faire.
Certains citoyens nous disent « ça ne sert à rien d’aller voter, c’est toujours la même chose ». Et bien non ce n’est pas toujours la même chose. Je n’ai pas très envie de parler des autres, mais souvenons-nous un instant de la terrible régression sociale qui s’est abattue sur le pays quand les nationalistes et les conservateurs, après nous avoir chassés dans l’opposition, ont gouverné ensemble, pendant cinq ans. Rappelons que le monde sans les socialistes, et le monde avec les socialistes, c’est le jour et la nuit.
Sans les socialistes, les salaires n’ont pas été indexés, et les travailleurs ont perdu, sur une vie de labeur, plus de 40.000 euros. Avec les socialistes, les salaires ont à nouveau été indexés, et face à la flambée des prix que l’on a connue, c’était plus nécessaire que jamais. Et c’est aussi avec les socialistes que le salaire minimum, qui n’avait plus augmenté depuis plus de douze ans, a été relevé de 340 euros.
Sans les socialistes, la TVA sur l’énergie avait été augmentée de 6 à 21% ; avec les socialistes, la TVA est revenue à 6% sur l’électricité et le gaz, et des millions de ménages ont été aidés quand les prix de l’énergie flambaient.
Sans les socialistes, deux milliards ont été économisés dans les budgets de la santé ; avec les socialistes, on a réinvesti dix milliards pour engager des milliers de soignants et étendre la gratuité des soins.
Sans les socialistes, les multinationales ont reçu des cadeaux fiscaux à foison ; avec les socialistes, on a établi une contribution sur la fortune pour financer les services publics.
Sans les socialistes, c’était l’austérité à tous les étages ; avec les socialistes, on réinvestit dans la justice, la police, la SNCB, et on revalorise les salaires des militaires, pour la première fois depuis vingt-cinq ans.
Sans les socialistes, les aides à l’emploi étaient attaquées de toutes parts ; avec les socialistes, elles ont été préservées et un nouvel accord social a été signé dans le secteur non-marchand.
Sans les socialistes, la pension était transformée en une pension à points, une loterie qui aurait pénalisé les plus fragiles, et en particulier les femmes ; avec les socialistes, la pension minimale a été relevée pour atteindre 1640 euros par mois et les injustices que subissent les femmes ont été corrigées.
Sans les socialistes, les personnes qui venaient en aide aux candidats à l’asile étaient menacées de visites domiciliaires et de sanctions ; avec les socialistes, plus un enfant n’est détenu dans un centre fermé.
Oui, il y a encore une gauche et une droite. Et oui, sans les socialistes, les inégalités explosent et la société se divise ; avec les socialistes, l’injustice recule et les libertés progressent !
Nous ne sommes pas parfaits, c’est vrai, qui l’est ? Mais nous sommes un parti solide, qui a traversé les crises et les guerres, et qui a toujours protégé les citoyens quand le ciel s’assombrissait. Nous sommes un parti solidaire, qui a toujours défendu celles et ceux qui, sans nous, auraient été oubliés.
On ne promet pas la lune, on ne dit pas aux gens qu’il suffit de claquer dans les doigts pour changer le monde, parce qu’on sait que ce n’est pas vrai, et qu’on respecte les citoyens. Mais on prend chaque fois des engagements clairs et forts, après avoir longtemps réfléchi et débattu entre nous. Et quand les citoyens nous accordent leur confiance, nos engagements, nous les tenons. Quand on le dit, on le fait !
Et cette fois encore, nous avons défini ensemble un projet, et nous allons le porter devant les citoyens, en Wallonie, à Bruxelles, et avec nos amis de Vooruit nous défendrons les mêmes valeurs en Flandre.
Au cœur de notre projet, il y a le travail. Parce que nous croyons dans le travail. Le travail c’est ce qui permet de donner le meilleur de soi-même, d’épanouir toutes ses facultés. Grâce au travail on se sent utile, reconnu par les autres. On se forme des amitiés, une vie sociale. On se construit des droits, une dignité.
Pour les hommes et les femmes que nous défendons, le travail est la seule planche de salut. Certains ont la chance d’être nés dans des familles qui ont de l’argent, des relations, des connaissances, qu’ils se transmettent de génération en génération, et tant mieux pour eux. Mais tous les autres ne peuvent compter que sur eux-mêmes. C’était cela aussi le message d’Ayse. Si elle est devenue ce qu’elle est, c’est grâce à la solidarité que nous avons construite, mais c’est aussi grâce au travail de ses parents. Son père a quitté son pays, son village, sa famille, les paysages de son enfance, pour venir travailler au fond des mines. Il a tout donné pour que ses enfants puissent avoir une vie meilleure que la sienne. Sa mère a fait des ménages, toute sa vie, tout en élevant ses enfants. Ils voulaient l’un et l’autre mettre de l’argent de côté, pour que leurs enfants puissent faire des études. Ils ont accepté des horaires difficiles, des tâches pénibles, des contrats précaires, des salaires de misère.
C’est ça la réalité du travail pour la majeure partie des hommes et des femmes. Les conservateurs qui n’ont que la « valeur travail » à la bouche ne savent pas de quoi ils parlent. La moitié du monde est heureuse dans son travail, et tant mieux, mais l’autre moitié du monde souffre du travail ou de son absence.
Et si nous plaçons le travail au cœur de notre projet, c’est précisément parce que nous savons, nous les socialistes, combien le travail est la clef de l’émancipation, mais c’est aussi parce que nous savons ce qu’endurent des millions d’hommes et de femmes au quotidien. Nous voulons que chacun ait un bon contrat, qui protège ses droits. Nous voulons soutenir tous ceux qui créent de l’emploi, les entrepreneurs, les vrais, et ceux en particulier qui cherchent d’autres manières d’organiser la production, qui se soucient du bien-être de leurs salariés et les associent à leur projet.
Nous voulons continuer à relever le salaire minimum, et tous les bas et moyens salaires. Nous avons proposé une réforme fiscale qui permettra à des millions de salariés de gagner 300 euros nets en plus tous les mois. On nous dit que c’est trop, que c’est impayable ? Mais rien n’est plus faux : grâce aux aides que nous avons déployées dans la crise, l’économie a résisté et aujourd’hui les entreprises voient leurs marges progresser. Augmenter les salaires, c’est une question de priorité, et pour nous c’est la priorité. Parce que nous savons combien il est difficile de vivre avec 1800 ou 2000 euros. Quand on a payé son loyer et ses charges, ses taxes et ses assurances, sa voiture et les frais des enfants, et qu’il ne reste plus que quelques euros par jour pour tout le reste, la vie est une lutte perpétuelle, il faut compter chaque dépense à l’euro près et l’on ne peut s’offrir aucun petit plaisir.
Ce n’est pas normal quand on travaille tous les jours. Ce n’est pas normal quand certains patrons s’octroient des salaires à plusieurs millions d’euros, et que les multinationales distribuent généreusement des dividendes à leurs actionnaires. Ce sont les travailleurs qui créent la valeur, et ils doivent pouvoir vivre décemment de leur travail. Et oui, je vous le dis, la bataille des salaires sera pour les socialistes la priorité des priorités !
Nous nous battons pour le travail, mais nous n’oublions pas la vie personnelle. Nous savons que pour beaucoup d’hommes et de femmes, le travail laisse trop peu de temps pour soi, et pour ceux que l’on aime. Depuis toujours, avec nos camarades des organisations syndicales, nous nous battons pour la réduction du temps de travail, et nous allons continuer à le faire. Notre idéal, c’est la semaine des quatre jours, en trente-deux heures, sans perte de salaire et avec embauche compensatoire. On n’y arrivera pas d’un coup, on le sait, toutes les grandes batailles se sont inscrites dans la durée. Mais on peut et on doit, au cours des prochaines années, faire de grands pas dans cette direction.
Il faut permettre par exemple aux jeunes parents, non seulement d’avoir un congé de naissance plus long, mais aussi de réduire leur temps de travail quand les enfants sont petits, pour leur donner tout l’amour et tous les soins dont ils ont besoin. Il faut permettre aux travailleurs de plus de 55 ans, qui commencent à fatiguer, de bénéficier de trois jours de repos par semaine, pour rester en bonne santé le plus longtemps possible. Il faut aussi permettre à tous les travailleurs, quel que soit leur âge et leur situation, de jouir de quelques jours de congé personnel chaque année, en plus des congés payés. Quelques jours pour garder les enfants quand ils tombent malades ou pour veiller sur ses parents, pour faire des démarches urgentes, ou pour profiter un peu de la vie, tout simplement. Tout le monde a droit au bonheur.
A côté du travail, la sécurité sociale est aussi pour nous, et depuis toujours, une priorité essentielle. Nous l’avons construite, au fil de longues luttes, et nous ne cessons jamais de l’améliorer. Vous le savez, nous avons relevé la pension minimum, et toutes les plus basses allocations, de plus de 300 euros nets par mois. Et les institutions publiques nous disent que grâce à ces mesures, pour la première fois depuis trente ans, la pauvreté a reculé dans notre pays. Mais ce n’est jamais assez. Trop de femmes et d’hommes continuent de vivre à la frontière de la précarité. Ce qui est un scandale dans une pays aussi riche que le nôtre. Alors oui nous allons continuer à nous battre pour que tout le monde puisse jouir d’une pension digne. Et nous allons rappeler que le droit d’être soutenu quand on est en difficulté est un droit personnel, universel, et qu’il est temps de supprimer l’odieux statut de cohabitant. Nous l’avons fait pour les personnes en situation de handicap, il y a deux ans. Trop souvent nous avions entendu dire : j’ai rencontré l’amour, mais je ne peux pas vivre avec la personne que j’aime, parce qu’on va me retirer une partie de mes revenus. Nous avons supprimé ce prix de l’amour, nous en sommes fiers, et nous allons continuer.
Nous voulons redonner du souffle et de l’ambition à la sécurité sociale. Certains la voient comme un « filet de sauvegarde », et estiment qu’elle coûte trop cher. Pour nous, la protection sociale, ce n’est pas un coût, c’est au contraire un investissement, dans la santé, dans la dignité. C’est permettre à chacun de s’épanouir, et de réaliser son idée du bonheur.
Alors oui, nous voulons faire de l’éradication de la pauvreté des enfants une grande cause nationale. Grâce aux investissements que nous avons portés ces dernières années, la pauvreté des enfants a reculé d’un tiers. La gratuité des écoles et des repas scolaires, la quasi gratuité des transports en commun pour les jeunes, les allocations familiales majorées, le relèvement des allocations et du salaire minimum, le meilleur remboursement des soins de santé de base, tout cela fait reculer la pauvreté. Et nous pouvons, si nous nous en donnons les moyens, l’éradiquer définitivement, en l’espace de dix ou quinze ans. Si nous poursuivons et amplifions le mouvement que nous avons entamé depuis cinq ans, nous pouvons y arriver. Donnons-nous cette ambition, faisons-en une grande cause nationale. Dépassons, pour une fois, les barrières entre les partis et les niveaux de pouvoir, entre le Nord et le Sud, et faisons de la Belgique le premier pays au monde à avoir définitivement supprimé la pauvreté infantile. Nos ancêtres ont sorti les enfants des mines et les ont envoyés à l’école, ils l’avaient dit, ils l’ont fait. A notre tour, nous le disons, et nous le ferons !
Nous poursuivrons aussi le combat que nous avons mené pour la santé. La pandémie a rappelé à ceux qui l’auraient oublié que la santé est notre bien le plus précieux, qu’elle est fragile, et que si nous vivons de plus en plus longtemps, et en meilleure santé, c’est grâce aux soignants qui donnent le meilleur d’eux-mêmes. Mais ici aussi, le travail n’est jamais achevé. Trop souvent, on entend des malades nous dire qu’ils ont dû renoncer à se soigner, parce qu’ils n’en avaient pas les moyens. Trop souvent, nous croisons des proches qui nous disent qu’ils attendent un rendez-vous chez un spécialiste depuis des mois, et qu’on leur propose, pour aller plus vite, de passer par une clinique privée. Nous ne pouvons pas le tolérer. Nous avons bâti un système de soins de santé universel, nous n’accepterons pas une médecine à deux vitesses. Oui il faudra continuer à investir dans la santé, pour engager plus de personnel, pour mieux rembourser les soins, et pour que l’accès à un médecin ne soit jamais un luxe.
Nous n’oublions pas non plus les services publics, notre patrimoine collectif. Je ne dois pas vous rappeler, à vous qui êtes si nombreux à être engagés dans la vie locale, toute l’importance des services que nous offrons au quotidien à nos concitoyens dans nos communes et nos provinces.
Ils sont au cœur de la transition climatique : nous sommes écosocialistes, parce que nous voulons une écologie qui profite à tous, et pas à quelques-uns. Nous savons que les plus riches sont infiniment plus responsables de la pollution, et que les plus pauvres en sont infiniment plus souvent victimes. Nous savons que seule une action collective résolue, s’appuyant sur les services publics, peut donner force à nos idéaux de justice climatique. Nous poursuivrons les grands chantiers que nous avons entrepris pour isoler les écoles et les logements, pour déployer toujours plus de parcs et de jardins, pour développer des cantines publiques et soutenir nos agriculteurs et nos producteurs locaux, pour étoffer l’offre de transports en commun, dans les villes et les campagnes, et les rendre accessibles à tous.
Et puis, les services publics, c’est aussi un enjeu sur lequel nous devons faire plus clairement entendre notre voix, celui de la sécurité et de la justice. La droite se présente souvent comme le garant de l’ordre, mais les faits le démentent : sous le gouvernement MR-NVA, les budgets de la police et de la justice ont subi des coupes claires. Nous avons perdu des centaines de magistrats et mille huit cents policiers, et notre pays a vu exploser les trafics et la criminalité. Il a fallu que nous revenions aux responsabilités pour que l’on réinvestisse enfin dans ces départements. Nous le faisons par conviction, parce que nous savons que les publics les plus vulnérables sont les plus exposés à l’insécurité. Nous le faisons par expérience, parce que comme élus locaux nous voyons au quotidien les ravages que causent le trafic de drogue, les violences conjugales et l’insécurité routière. Et nous continuerons à le faire, parce que la sécurité est le premier des droits de l’homme.
Nous savons aussi que les droits et libertés, arrachés de haute lutte, doivent être constamment protégés. Et, je dois vous l’avouer, je nourris à cet égard de vives inquiétudes. Partout nous voyons l’extrême-droite gagner du terrain. Elle gouverne dans six pays européens, elle est aux portes du pouvoir ou caracole en tête des sondages chez tous nos voisins, aux Pays-Bas, en France, en Allemagne, et même chez nous, au nord du pays. C’est un danger démocratique qu’on aurait tort de sous-estimer.
Regardez ce qui se passe en Italie. Le gouvernement dirigé par l’extrême-droite s’attaque chaque jour aux droits et libertés. Les migrants ont été les premières victimes, mais pas les seules. Le gouvernement de Madame Meloni a supprimé l’équivalent du revenu d’insertion, et plongé des dizaines de milliers d’hommes et de femmes dans la misère absolue. Il remet en cause le droit des femmes à disposer de leur corps, en rendant les avortements toujours plus compliqués. Il s’en prend aux personnes LGBTQIA+. Il conteste les libertés syndicales. Et pendant ce temps-là, des milices fascistes paradent dans l’espace public, en toute impunité.
C’est un péril majeur qui se dessine. Non seulement parce que l’extrême-droite détruit en quelques mois ce que nous avons mis des décennies à construire, mais parce qu’elle contamine les esprits, comme on l’a vu en France récemment avec la trahison de la loi immigration. Mais je vous le dis, chers amis, chers camarades, comme Allende, assassiné il y a cinquante ans, comme Matteoti, assassiné il y a un siècle, nous n’abandonnerons jamais la lutte contre le fascisme.
Enfin, chers amis, chers camarades, nous n’oublions pas non plus la solidarité internationale. Depuis les tout premiers jours, les socialistes ont soutenu les peuples qui luttaient pour leur liberté. Nous avons été aux côtés des Italiens, des Espagnols, des Portugais et des Grecs, quand ils luttaient contre le fascisme. Nous nous sommes battus avec les peuples colonisés qui demandaient leur indépendance. Nous avons défendu les Polonais et les Hongrois, quand ils étaient opprimés par les communistes soviétiques. Nous avons accueilli les Chiliens, après l’assassinat de Salvador Allende. Nous avons hébergé les réfugiés ukrainiens, après l’agression de leur pays par la Russie et nous soutenons les opposants russes qui résistent à la dictature de Poutine.
Nous sommes aussi aux côtés du peuple palestinien, depuis 75 ans, et aujourd’hui plus que jamais. Nous avons condamné sans réserve les attentats terroristes commis par le Hamas le 07 octobre et exigé la libération immédiate des otages. Mais depuis des mois, c’est le peuple palestinien qui vit une tragédie absolue. Les attaques de l’armée israélienne dans la bande de Gaza ont causé plus de 28.000 morts, principalement des femmes et des enfants, et l’offensive israélienne contre Rafah laisse présager le pire.
Dans le silence assourdissant de la communauté internationale, trois hommes ont porté une parole forte : Antonio Gutierres, le secrétaire général des Nations-Unies, Josep Borrell, le chef de la diplomatie européenne, et Pedro Sanchez, le premier ministre espagnol. Tous les trois sont socialistes. Ils ont dénoncé avec force les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité perpétrés par le gouvernement israélien, et appelé à reconnaître sans délai l’Etat palestinien. Nous sommes pleinement et intégralement à leurs côtés. Le risque de génocide n’est plus une hypothèse, c’est une réalité, reconnue par la Cour internationale de justice. La tragédie se déroule sous nos yeux, et elle doit être arrêtée immédiatement, en utilisant contre le gouvernement de Monsieur Netanyahou tous les moyens du droit international. Le peuple palestinien se meurt, et plus que jamais nous sommes à ses côtés.
Chers amis, chers camarades, nous pouvons être fiers. De notre histoire. De nos valeurs. De notre projets. Fiers des hommes et des femmes qui les portent !
On nous dit que nos idées sont trop ambitieuses, qu’elles ne sont pas réalistes, que les caisses sont vides. On nous invite à nous résigner, en somme, à accepter le monde tel qu’il est. Ca ne nous impressionne pas. Cette rengaine, on l’a entendue mille fois. Et nous avons toujours trouvé au fond de nous-mêmes l’espoir et la volonté de nous battre.
Quand les mineurs se sont dressés pour le droit de manifester et de faire grève, beaucoup n’y croyaient pas, mais ils se sont battus, et ils l’ont emporté.
Quand les ouvriers sont entrés en grève pour le suffrage universel, beaucoup pensaient que c’était peine perdue, mais ils ont livré bataille, et ils l’ont emportée.
Quand les soldats sont rentrés du front de la Grande guerre, nous avons exigé la journée des huit heures, la pension pour tous, la protection contre le chômage et la maladie, le logement social, les bibliothèques, les transports publics, l’indexation automatique des salaires et les congés payés. On nous a ri au nez, mais on s’est battus, et on l’a fait.
Quand, dans les maquis de la Résistance, nous rêvions d’un grand Pacte social, d’une protection universelle contre le chômage et la maladie, d’un service universel de santé, on nous traitait de fous, mais nous avait fait front, et nous l’avons fait.
Quand les ouvrières de la FN ont exigé le même salaire que les hommes, on s’est moqué d’elles, mais elles ont résisté, et elles ont gagné.
Quand nous avons voulu faire du racisme un délit, donner aux femmes le droit de disposer de leur corps, exiger la laïcité de l’État et des libertés en masse, on nous a méprisés, mais nous l’avons fait.
Quand on a exigé le refinancement des soins de santé, la hausse du salaire minimum, le relèvement des pensions et des basses allocations, on nous a pris pour des rêveurs, mais nous nous sommes battus, et nous l’avons fait.
Tels nous sommes, et tels nous resterons, les pieds dans la glaise et la tête dans les étoiles, fidèles aux combats de ceux qui nous ont précédés, et gardiens des rêves de ceux qui nous suivront. Les temps sont durs, mais nous savons nous battre. Et toute notre histoire montre qu’impossible n’est pas socialiste ! Nous l’avons fait avant-hier, nous l’avons fait hier, nous le faisons aujourd’hui, nous le referons demain.
Les engagements que nous avions pris il y a cinq ans sont devenus réalité. Et je le dis, aux Wallons et aux Bruxellois, en les regardant droit dans les yeux : si vous nous faites confiance, les engagements que nous prenons aujourd’hui, nous les tiendrons. Si vous nous faites confiance, on augmentera les salaires, on réduira le temps de travail, on soutiendra les pensions et les soins de santé, on investira dans les services publics et la protection de la nature. Nous l’avons fait hier, nous le referons demain.
Alors, chers Amis, chers Camarades, partons en campagne ! Allons partout, dans tous les quartiers, rue par rue, à la rencontre des hommes et des femmes qui vivent dans la solitude. Nous allons leur dire que nous comprenons leurs peines et leurs inquiétudes, que nous partageons leurs espoirs. Nous allons leur dire qu’ils ne sont pas seuls, que les socialistes sont à leurs côtés comme ils l’ont toujours été. Nous allons leur dire qu’ils peuvent nous faire confiance parce que depuis 140 ans nous sommes solides et solidaires.
Ne perdons pas un jour, ne perdons pas une heure, ne laissons pas un seul espace aux discours de haine. Partons à la rencontre des citoyens, mobilisons toutes nos forces et toutes nos énergies. Et avançons, ensemble, jour après jour, vers la victoire !
Vive le Socialisme !
Paul Magnette