Discours de Bruno Colmant lors de la cérémonie d’hommage à François Bovesse 2 février 2025

Mesdames et Messieurs,

En vos titres et qualités, merci de m'accueillir aujourd'hui.

D'abord, avec un message de grande émotion : émotion d'être ici parmi vous.

Émotion d'être dans cette commémoration.

Émotions du partage entre une jeunesse qui nous a échappé à nous tous, nous sommes plus âgés. Émotion aussi devant le rappel des temps durs et de l'armée.

Il se fait que je suis officier de réserve, que mon père l'était, mon grand-père l'était aussi.

Que les temps de la guerre ont été souvent remémorés. Les parents vivent encore, s'en souviennent vivement.

J'avais un grand-père qui portait un nom israélite, une grand-mère américaine pendant la guerre. C'était compliqué. J'ai un autre grand-père qui était un grand résistant quatorze fois décoré.

Et chaque fois que j'entends La Brabançonne, je me souviens du drapeau qui avait été déposé sur son cercueil à l'église. J'en frémis encore maintenant.

Autant que j’en frémissais à l'époque, donc ce sont des moment plutôt d'émotions et de partage pour moi.

Je crois que nous vivons une période très dangereuse, parce que le monde perd la paix. Le monde perd sa paix.

Il y a toujours eu des guerres, mais se fait que depuis une quarantaine d'années, le monde a perdu ses solidarités. La perte des solidarités conduit à la fragmentation des humains,

conduit à la peur de l'autre, conduit à la concurrence plutôt qu'à la coopération.

Et c'est ce qu'on a observé depuis quarante ans. 

Aux États-Unis. J'y étais il y a deux jours encore. On est partis de l'idée, dans les années septante et quatre-vingt, que si les humains étaient dissociés les uns des autres, si on démantelait les structures de solidarité, les humains seraient plus productifs, seraient individuellement plus riches.

Et ce courant qui maintenant, bien sûr, accentué par Trump s’est diffusé finalement dans tout le monde occidental, mais au-delà, avec l'idée qu'il faut vulnérabiliser les humains pour qu'ils puissent donner le meilleur financier, mais le pire côté humain d’eux même.

Et donc, on va rentrer dans une période extrêmement compliquée. 

Et d'ailleurs, on voit en vérité ce qui est en train de se passer depuis deux jours.

On va rentrer dans un système où on va considérer finalement que tout ce qui est solidaire, communautaire, va devenir accessoire, voire inutile.

C'est très dangereux, parce que tout ça ne peut conduire qu'à de la violence, de la violence civile, de la violence citoyenne, de la violence militaire peut-être.

Et donc je crois que ces prochaines années vont demander beaucoup, beaucoup de rigueur morale. Beaucoup de sagesse aussi.

Parce qu'on peut tous se laisser emporter facilement par de tristes passions. Des émotions qui dépassent la pensée réfléchie. Et on va donc devoir se battre d'abord contre nous-mêmes, avec la capacité de regarder la vie droit dans les yeux, à hauteur d'homme, à hauteur de femme.

Je vais conclure ce mot en disant, en disant deux choses qui me semblent importantes.

Une conviction et une ensuite une citation.

Ma conviction, c'est que pour aborder ce monde qui va devenir compliqué, il faut du caractère. Le caractère que De Gaulle considérait comme étant la vertu des temps difficiles.

Et une citation de François Mauriac. François Mauriac, un écrivain qui est né en 1885 et mort en 1970, quelques semaines avant la mort de De Gaulle d'ailleurs.

Il a écrit dans ses livres : « Une vie ne vaut que ce qu'elle aura coûté d'efforts. » … Que ce qu'elle aura coûté d'efforts. Et je pense que cette parole, alors que nous rappelons ici le décès d'un homme qui s'est battu pour la liberté, prend tout son sens.

Je vous remercie.

(Transcription de son discours prononcé le 2 février 2025 lors de la Cérémonie d’hommage à François Bovesse organisée par le Comité central de Wallonie)